les chers ennemis

 Les chers ennemis, Didier

La scène se passe au commissariat de police, dans le Bureau d’un jeune policier recevant un homme d’une soixantaine d’années aux allures de petit retraité bien propret et très négligé. 

-Le policier (sobrement vêtu d’un smoking aux revers décorés de sequins) : 

« Bonjour, je suis le Lieutenant Général Rocco Petibout, je vous remercie d’avoir spontanément obtempéré à la convocation obligatoire que je viens de vous adresser, il y a trois mois, pour recueillir votre témoignage au sujet de votre voisin du 7eme étage, le dénommé « Pierre Lenoir » 

-Le voisin (arborant harmonieusement une chapka, une chemise hawaïenne, un bermuda et des bottes fourrées) : 

« Ah non, Monsieur, il s’appelle Jean Leblanc et son appartement est à l’entresol » 

Le Policier, consultant rapidement sa fiche : 

« En effet, l’erreur est juste, mais poursuivons : Pouvez-vous me décrire succinctement, mais en n’omettant aucun détail, cette personne ? » 

-Le voisin : 

C’est un homme d’une taille indéfinissable : celle d’un grand nain ou d’un petit géant, très étroit des épaules mais très large du bassin, il est jeune, pas plus de 80 ans mais moins de 30 ans, ses cheveux sont blonds, couleur aile de corbeau. Il est souvent vêtu d’un manteau blanc foncé (ou peut-être noir très clair ?) 

Le Policier, l’air intelligemment hébété : 

– « Euh, vous le connaissez bien ? » 

Le voisin, s’y reprenant à deux fois pour ne pas avoir l’air d’hésiter : 

« Ça dépend, d’habitude, nous nous disons juste bonjour, bonsoir après nous être exhaustivement raconté nos vies » 

-Le policier affichant avec une grande assurance, un air très troublé : 

« Connaissez-vous ses opinions politiques ? » 

-Le voisin : 

« Ah oui très bien : 

Il est férocement tolérant, c’est un fervent athée, partisan d’une douce fermeté, prônant une liberté sévèrement encadrée. Plutôt indulgent à son propre égard mais très exigeant pour le reste de l’humanité, charitable jusqu’à l’avarice. Il milite pour l’avortement libre, gratuit et 

obligatoire ainsi que pour l’instauration d’une monarchie républicaine basée sur le suffrage universel héréditaire. 

Il est contre le mariage des prêtres mais favorable à la procréation médicalement assistée réservée aux évêques et cardinaux 

Politiquement, je le situerais à l’extrême centre. » 

-Le Policier, renonçant à prendre des notes : 

« Que savez-vous de sa situation matrimoniale ? » 

-Le voisin : 

« Il m’a dit qu’il était veuf divorcé » 

-Le policier, l’air candidement suspicieux : 

« Dans cet ordre-là ? » 

-Le voisin : 

« Je ne sais pas, mais je l’ai toujours soupçonné de me dire la vérité. 

Mais enfin, pourquoi toutes ces questions ? » 

Le policier, sereinement paniqué : 

« Nous soupçonnons avec certitude votre voisin de se livrer à des menées loyalement subversives contre l’ordre encore mal rétabli et la raison des tas. » 

-Le voisin : 

La raison d’Etat ? 

-Le Policier, hors de lui en son for intérieur : 

« Non, la raison des tas de gens qui crient tout bas que la police, en ne faisant rien, en fait trop, que la liberté est chose trop précieuse pour la laisser sans étroite surveillance et qu’enfin le monde irait mieux si l’on s’en remettait à la folle raison des enfants séniles qui nous gouvernent dans le cadre d’une anarchie mollement structurée. » 

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