ciseaux

Souvenir de petite fille, Annie

Dans mon souvenir de fillette de 4 ans, il fait beau, je joue à l’entrée de la maison dans l’escalier. Tout est calme, ma mère vient de faire la vaisselle et se repose en lisant une revue dans la cuisine, mon frère, pour une fois, ne « chouine » pas, il fait la sieste !
J’ai récupéré une paire de ciseaux à bouts ronds, inoffensifs,
j’adorrrre les ciseaux !C’est plus qu’une passion pour moi, la découpe ! Le catalogue « Manufrance » a rendu l’âme suite à mes nombreux découpages dans tous les sens ! Ma poupée Bettina, c’était sa marque, une blonde platine aux cheveux très longs, une poupée qui « bêle » :  » Maman an an … », est assise sur la plus haute marche de l’escalier à l’extérieur de la maison. Mes ciseaux à la main, je la regarde pensivement lorsqu’une idée géniale me traverse l’esprit.. .COUPE de CHEVEUX !
Nous n’avons pas l’habitude d’aller chez le coiffeur, c’est ma mère qui m’égalise ma coupe au carré, très facile à réaliser sur cheveux raides. Cet après-midi là, je me lance dans l’apprentissage de la coiffure en institut… Je taille, retaille, re-retaille, égalise, fignole et au moment où je  » peaufine  » mon travail, absorbée totalement par l’ouvrage et où des mèches de cheveux blonds sont répandues tout autour de ma poupée qui n’a pas bronché, très placide… ma mère s’inquiétant soudain de ne pas m’entendre, sort et découvre les dégâts : c’est l’apocalypse ! Ma poupée a une jolie frange… un peu en biais peut-être, une coiffure très courte pour la saison et qui me satisfait complètement !
Ma mère est horrifiée, mon dernier cadeau de Noël ! Je ne comprends pas sa colère… des cheveux, ça repousse ! J’essaie de lui expliquer mon point de vue, je suis réellement de bonne foi et je ne vois pas le mal qu’il y a à rafraîchir la coupe de cheveux de Bettina !
Je repense à cet épisode, intact dans ma mémoire, comme si c’était hier, j’entends le crissement des ciseaux dans ces cheveux en nylon, les mèches tombant en silence sur la pierre, je ressens encore ce contentement, cette satisfaction du travail bien accompli, consciencieux et je me souviens encore de l’expression du visage de ma mère, le choc, la stupéfaction totale !
Tout ce cinéma pour une chevelure de poupée, pour quelques anglaises, quelques boucles tombées à terre…
J’émets un timide : « on peut peut-être les recoller ? »et la réponse lapidaire de ma mère « ma pauvre Annie ! »Expression très souvent répétée… et encore des siècles après !
En tout cas, ma carrière de coiffeuse visagiste s’est arrêtée là ! Six mois plus tard, j’ai été prise en flagrant délit de découper un cahier de devoirs d’une grande cousine ! Il n’y a plus eu de ciseaux dans mon environnement pendant très longtemps !
Deux ans plus tard, c’est mon frère qui se lance dans une carrière de chirurgien viscéral en éventrant son camion de pompiers, histoire de voir ce qu’il y a à l’intérieur.
Que de carrières gâchées, de vocations avortées, découragées par l’incompréhension des parents …

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