En cette fin d’année 1999, la famille Roc, comme tant d’autres, et partout où cela est possible, ne quitte pas des yeux le poste de télévision, et suit, abasourdie les reportages qui s’enchaînent en boucle.
Noël a été bien bousculé, cette année et, de la Normandie aux Vosges, en passant par l’Île de France, le plus formidable coup de vent qui soit passé depuis des siècles, a tout détruit, tout ravagé, privant des milliers de familles d’eau, d’électricité. Pas de chauffage, routes coupées, la France est sous le choc.
Tu as eu une bonne idée, papa, de nous amener à St Palais, pour noël, lance soudain Thibault, on a du bol d’être ici, pas vrai ?
Peut-être pas tant que tu crois, dit maman, de sa cuisine, je viens d’entendre à la radio, qu’une alerte rouge est annoncée dès ce soir. Des rafales vont atteindre 200, voire 220 kilomètres heure. Fermez donc les volets, et rentrez tout ce qui craint au garage ; il faudra aussi préparer des bougies, et la lampe à pétrole de grand-mère ; ça va « buffer » comme ils disent ici.
En effet, dès 4 heures du matin, ce 27 décembre, la tempête se déchaîne. De sinistres craquements retentissent, des arbres s’abattent, personne ne dort, c’est l’enfer sur terre. Pourtant, dans l’après-midi, quelques rares curieux sortent constater les dégâts, mais rentrent bien vite se mettre à l’abri, catastrophés : voitures écrasées sous les arbres, cheminées abattues, toitures envolées.
Le lendemain, comme par enchantement, le vent a cessé, et c’est à qui ira jusqu’ à la petite plage de st Palais, voir la noria de bateaux fracassés, venus d’on ne sait où, enchevêtrés au milieu des troncs d’arbres, des enseignes de bar, et des tôles tordues.
Viens, Thibault, on va prendre les VTT, il doit y avoir des dégâts dans la forêt…
Mais vous êtes fous, c’est dangereux !
On fera attention, chérie, et si ça craint, on reviendra…
Attend moi, papa, je prends mon casque…
Par le Platin, Terre-Nègre, ils atteignent bientôt la grande côte, et tentent de pénétrer dans la forêt.
Ils doivent mettre pied à terre, car les trois dunes de la « Grosse Madame », du Monsieur et de la Demoiselle, sont maintenant des collines beaucoup plus grosses qu’elles n’étaient auparavant.
Attend-moi, papa, je vais faire pipi.
Je ne bouge pas, mon fils, je reste là, dépêche toi !.
Stupéfié par la force de la tempête qui, en une nuit a bousculé le paysage, Roc attend quelques instants. Après plusieurs minutes, sans nouvelles de Thibault, Roc, s’impatientant, appelle, mais personne ne lui répond. Pourtant, le vélo est bien là, mais Thibault a disparu…
Derrière la dune, un trou entre les pierres attire son regard. ll est tombé…Le commissaire sort son portable, appelle les secours, mais ceux-ci sont débordé. Partout, la police vérifie, les pompiers s’affairent, médecins et infirmiers soignent les blessés. Il ne faut que quelques minutes au jeune retraité pour retourner chez lui, saisir une corde, une lampe et une trousse de secours. Le VTT vole sur le trajet du retour, et c’est sans réfléchir qu’il attache la corde à la souche d’un gros arbre, la lance dans l’orifice et descend II y a bien 8 à 10 mètres, avant que ses pieds ne touchent le sol, et qu’il puisse allumer sa puissante torche.
Thibault est là, inconscient, mais vivant, sur un gros tas d’herbes et de branches mortes. C’est un miracle qu’il n’ait rien de cassé…
Peu à peu, il reprend conscience, ouvre un œil, et, encore tout éberlué, sourit à son père.
Tu m’as fait peur, mon vieux, qu’est-ce- qui t’es arrivé ?
J’ai rien compris, papa, mais alors rien compris.….en faisant pipi sur le tas de branches, le sol est parti sous mes pieds, et je suis tombé ; j’ai rien pu faire.
Bon, on ne va pas rester là, tu ne crois pas ?
OUI, papa, mais attend un peu, j’ai le pied coincé dans un espèce de truc en fer…
Le faisceau lumineux de la lampe éclaire en effet un anneau qui semble être au milieu d’une sorte de trappe carrée.
Aide-moi, Thibault, pousse ce gros morceau de bois, si tu peux, on va le glisser dedans, voilà, et maintenant, fais comme moi, essaie de soulever.
C’est lourd, pour le jeune garçon, mais, en conjuguant leurs efforts, ils réussissent pourtant à lever, puis à faire basculer la trappe. Un escalier apparaît à leurs yeux…
On y va, Thibault ?
J’ai un peu peur, papa.
Viens, fais bien attention, et donne-moi la main.
Ils descendent. L’escalier est long, les marches glissantes. Soudain, Thibault pousse un cri, tandis qu’un craquement résonne sous la voûte.
Papa !, papa ! j’ai marché sur quelque chose qui a craqué sous mon pied… Roc éclaire.
C’est un squelette, mon fils, un macchabé qui doit être là depuis un bon moment, tu viens de lui broyer les côtes.
Au niveau du sol, au beau milieu de l’escalier, et le prolongeant, c’est une galerie, sorte de couloir d’une trentaine de mètres de long, de 2 à 3 mètres de large, et de 2 mètres de hauteur. Au-dessus de leurs têtes, le plafond est bien haut…
On remonte, papa ? il fait noir, j’ai peur.
Une seconde, mon fils, je veux voir ce qu’il y a de chaque côté de cette galerie, tu vois bien qu’elle ne monte pas jusqu’ en haut.
lis retournent sur leurs pas. A mi-hauteur, de chaque côté de l’escalier, la torche éclaire une plate-forme Il faut absolument regarder où l’on met les pieds, surtout, ne pas tomber. Au fond, c’est à nouveau ia paroi rocheuse. Roc promène sa lampe de haut en bas, et aperçoit soudain un gros morceau de bois qui leur barre la route. Il le saisit à pleines mains, et, constatant qu’il bouge, appuie de tout son poids pour l’écarter de leur chemin …
Dans un crissement de pierres frottées, la paroi se dérobe et, à travers un fatras de broussailles et de branches de lierre, la lumière du jour pénètre peu à peu dans l’immense pièce. Sous leurs yeux ébahis, alignés le long des murs, des coffres, des armes anciennes, des tas d’objets entassés pêle-mêle.
T’as vu, papa ? T’as vu ? Thibault écarquille les yeux, ébloui par le reflet des ciboires d’or, des hanaps d’argent, des bijoux qui étincellent maintenant sous le reflet de la torche électrique de son père.
C’est à qui, tout ça, papa ? A nous ? On l’a trouvé, c’est à nous !
Attends un peu, Thibault, chaque chose en son temps. D’ abord, il nous faut remonter, cacher l’orifice avec des branches, puis, je ferai ma petite enquête dans les bibliothèques voisines, pour savoir qui a vécu là. Une chose, fils, il faut me promettre de ne rien dire à maman, rien du tout, d’accord, Thibault ?
Oui, papa, je te le jure.
Alors, rentrons à la maison, elle doit s’inquiéter.
Ce n’est pas difficile, les jours suivants, pour l’ancien commissaire d’ Etampes , d’apprendre qu’aujourd’hui, c’ est le Conservatoire du Littoral qui est propriétaire de tout le secteur et, à la bibliothèque de st palais , il a tôt fait de dénouer l’ énigme, parcourant « l’Histoire de St Palais » de Monsieur Jean Nappée où encore « | Histoire de Royan et de la presqu’île d’Arvert », de Monsieur Guy Binet.
Il apprend ainsi que, le 23 Vendémiaire , an XIII, le pasteur Dugas, a acheté , sous le nom de « Combo », ce domaine, à madame Pelletereau, qui, elle-même, l avait acquis en 1787, sous le nom de domaine d’ Ansoine, où Anchoine, ou bien encore d’ Anxoine.
Il porte aujourd’hui, le nom de « Combot d’ Ansoine ». Roc apprend aussi que, si la végétation est aujourd’hui luxuriante, il n’en a pas toujours été ainsi. En fait, la forêt de la « Coubre », n’a été implantée qu’au milieu du XIXème siècle. Auparavant, le lieu était, selon Paul Travers, « un Sahara miniature, où la boussole est indispensable pour se diriger, sans arbres, où les vents violents vous bousculent.. » Ce que le pasteur protestant Cosme Bréchet, natif d’Arvert, confirme en ces termes « La violence des vagues jette le sablon de la mer à la côte, et il s’en élève de grandes montagnes, qui ont, à la succession des temps, couvert des villes et des villages, ainsi qu’une chapelle connue sous le nom de Notre Dame de Buse.
Mais c’est surtout à travers Claude Masse, grand cartographe de Louis XIV, et qui vécu de 1652 à 1737, que le commissaire peut voir des plans détaillés des côtes, datés de 1674, faisant état de la Chapelle de Buse, laquelle aurait été visible pour la dernière fois en 1693.
Claude Masse releva un grand nombre de cartes, et, ayant su que des bourgs avaient été ensevelis sous les sables, comme la ville d’Ansoine ou Putensoigne, vers Terre Nègre, (un pu était alors une dune) Il vint personnellement et cartographia l’endroit exact de situation de la « ville ruinée d’Ansoine ».
Plus avant dans ses recherches, Roc apprend que les sables avaient commencé à envahir les terres à cause du défrichage et de la déforestation, trop intense au Moyen Age, ce qui amena, comme partout, l’érosion des sols. Les tempêtes, les alluvions du fleuve, modifièrent la presqu’île d’Arvert, et déjà, sous Henri Il, en 1551, la ville d’Ansoine, était entièrement couverte de sable. Les pans de mur, les pierres qui dépassaient du sol, servirent de carrière à ciel ouvert, et c’est ainsi que nombre de maisons du petit bourg de St Augustin furent construites à partir des ruines d’Ansoine.
En remontant plus avant, dans le temps, Roc ne trouve rien, c’est le grand mystère. Il apprend seulement que la forêt était belle, que l’on s’y cachait souvent, et que l’on y menait les porcs à la glandée.
L’an MIL avait été une période de terreur, le monde devait être détruit ; alors, plutôt que d’être broyé de la main de Dieu, nombre de gueux s’étaient suicidés …
Poursuivant son enquête, remontant l’histoire de l’estuaire à travers | Histoire de la France, Roc avance à grands pas, et pour lui, c’ est presque facile.
C’est ainsi qu’il découvre que, dès 810, Charlemagne, le grand Empereur, avait fait construire des tours forteresses, à l’entrée des rivières, et astreint les habitants à faire le guet sur ces tours, bâties pour défendre nos côtes des envahisseurs, du Nord au Sud.
La presqu’île d’Arvert était, à cette époque, bien foin d’être ce qu’elle est aujourd’hui. Un banc de sable, dit « banc à l’Anglais » protégeait l’estuaire, et formait, entre lui et le rivage, un golfe allongé, en cul de sac, dans lequel les navires pouvaient s’abriter. Ce port s’est longtemps appelé le « port de la Lune ».
La côte rocheuse pénétrait alors à l’intérieur des terres, depuis ce que l’on appelle aujourd’hui : « La Grande Côte », jusqu’ aux environs de St Augustin sur mer, sous forme d’une falaise baignée par les flots, d’une dizaine de mètres de hauteur.
Les Vikings, Hommes du Nord, arrivèrent alors sur nos côtes. On a retrouvé à Talmont, les restes d’un drakkar, daté de 830. L’Empereur acheta souvent leur départ à prix d’or, mais, pirates et aventuriers dans l’âme, ils prirent goût à cette vie de rapines, et revinrent chaque année plus nombreux. Opérant par bandes distinctes, chacune commandée par un chef, et descendant le long des côtes, (its s’ égaraient dans | océan dès qu’ ils les perdaient de vue), ils s’ engouffrent dans les embouchures des fleuves, à l’entrée desquels ils bâtissent une ville forteresse, base arrière où ils se replient, pillent, tuent, violent, brûlent les villages, les monastères, les abbayes, s’emparent des vivres, du bétail, des richesses, et les stackent dans leur ville fortifiée, puis, à l’ Automne, les emportent chez eux là-haut, dans le Nord, pour revenir, au printemps suivant, semer à nouveau la terreur et la désolation. Une bande de 300 drakkars attaqua ainsi Lutèce, aujourd’hui Paris, sans toutefois s’en emparer.
Notre région connut une première attaque Viking en 844, menée par Ragnar Lodbrok et ses hommes. Une autre eut lieu en 846, encore plus violente. Comble de malheurs, cette année là, l’hiver dura jusqu’au mois de Mai, et, une bande de loups affamés, mangeurs d’hommes, ils étaient environ 300, sema la terreur dans la région.
De retour les années suivantes, les Vikings subissent pourtant plusieurs défaites notables et l’on a retrouvé à St Sordelin, près de Vaux-sur-Mer, des tombes contenant des squelettes de guerriers Viking.
Cette année 889 avait été une bonne année. Les sorties étaient couronnées de succès, et, à chacun de leur retour à Anseune, les drakkars rapportaient les richesses des châteaux, des abbayes, des églises voisines.Tous ces trésors s’accumulaient sur les plates formes du port souterrain de la ville fortifiée, qui surplombait la falaise, battue par les flots quand la mer était haute. À sa base, une ouverture, assez large pour permettre le passage d’un navire, était fermée, à marée basse, par un énorme rocher rond, qui basculait sur des glissières, quand le levier l’avait débloqué. A l’inverse, il basculait vers l’intérieur, et sur l’autre côté, dégageant l’entrée quand, les rails mis en position descendante, on actionnait l’autre lévier. Le bateau pouvait alors pénétrer en entier, était déchargé grâce aux 2 quais, le long desquels il était amarré. Vidé du butin qu’il venait d’apporter, il ressortait, et allait au mouillage dans la rade qu’on appelait le Port de la Lune.
4 semaines maintenant que les voiles carrées surmontant les dragons de proue avaient disparues, remontant la côte pour s’engouffrer dans la Charente, toujours plus loin. Seuls, les plus âgés des guerriers, les blessés restaient à Anseune…Pas pour la défendre Non… Qui aurait osé s’attaquer à une base Viking, mais pour trier, ce que | on ramènerait au pays, parmi toutes ces richesses accumulées, et puis, il fallait bien réparer, forger de nouvelles armes, assurer le bien être des frères à leur retour…
Or, voici justement que la trompe sonnait. Du haut de sa tour, le guetteur venait d’apercevoir les voiles rouges, et annonçait le retour des hommes du Nord. La mer étant basse, on savait qu’ils se mettraient à l’ancre, au petit port, avant que d’avancer, un par un, pour être déchargés Aussi, tous sortirent de la ville et , par le petit chemin étroit, descendirent vers la mer à grands cris joyeux…
Mais, que faisaient-ils ?, ils passaient trop loin….trop vite.….pourquoi n’obliquaient-ils pas vers la côte ?..Ils le comprirent, mais trop tard.., Se retournant, ils aperçurent, à travers l’épais nuage de poussière qui s’élevait de la plage jusqu’ aux dunes du plateau, une armée de cavaliers fondant sur eux au triple galop. Vieillards sans armes, ils furent massacrés jusqu’ au dernier sur la plage et dans les collines, avant d’aller rejoindre l’asile de la ville fortifiée. Le guetteur seul restait. Vieil homme, il descendit de sa tour, gagna le port souterrain, referma la lourde trappe de pierre qui cachait l’escalier, puis se terra dans l’ombre…
Les chevaliers du roi Karl, (Charles le Simple), qui régna de 898 à 923, ceux du comte d’Angoulême, (Comte de 916 à 945), et qui n’était alors que Guillaume Taillefer, car, homme d’ une force peu commune, il avait, d’un seul coup de son épée « Cort », proprement coupé en deux « Storm », un roi Viking, et ce, malgré sa solide cuirasse de fer, tous, tous, pénétrèrent dans la ville abandonnée. Bijoux, meubles, richement décorés, que l’on cherchait fébrilement, de tout cela, rien, les salles étaient vides de tout trésor. De rage, ils incendièrent le château, puis s’élancèrent à la poursuite des fuyards. Eux qui les chassaient depuis le nord de la Saintonge, ils les avaient contraints à se replier sur Saujon, puis Oléron puis Anseune. Ils les rattrapèrent à Mortagne, mais les Viking, menés par Aiguoland, et habitués à fuir, s’échappèrent plus loin, vers Blaye, puis, cabotant le long des côtes, gagnèrent la Normandie, qui venait de leur être attribuée par un traité signé à St Clair sur Epte , entre Rollon, le Viking, et le roi Charles le Simple, en échange d’un arrêt des pillages.
Plus tard, Guillaume « Le Conquérant », et ses Normands, depuis son château de Caen, partirent envahir l’Angleterre, battant les troupes d’Harold à Hasting, en 1066. C’est ce que nous avons vu à Bayeux, la tapisserie de la reine Mathilde, tu t’en souviens Thibault ? Toute l’histoire de la conquête de l’Angleterre y est. On peut dire que c’est la première bande dessinée relatant une aventure. Cela nous a valu une longue période de guerre contre les Anglais, la fameuse guerre de cent ans.
Anseune s’est alors endormi dans les sabies, elle devint « ville ruinée », ville fantôme. Les régions côtières alentours étaient désertes, il ne restait plus pierre sur pierre des grands domaines de la région, des édifices religieux, du château et de la ville des conquérants du Nord…
Voilà, Thibault, voilà l’histoire telle que j’ai pu la reconstituer, termine le commissaire Roc.
Mais alors papa, le trésor, il est à nous ! s’écrie Thibault, s’il appartenait aux Vikings, il n’est plus à personne !
Juste à ce moment, la porte de la petite maison s’ouvre, et maman entre, les bras chargés de provisions.
Maman ! Maman! On a encore trouvé un trésor, et c’est à nous ! C’est à nous ! Tu te rends compte, maman ?
Thibault, c’était un secret entre nous, tu m’avais promis de ne rien dire
Pardon, Papa, mais je n’ai pas pu.
Et maintenant, les garçons, allez-vous m’expliquer, à la fin ? S’impatiente Maman.
Je ne t’explique rien du tout, chérie, prenons les VTT, et retournons là-bas, tu verras toi même.
Quelques coups de pédale plus loin.…Thibault et son père ne reconnaissent plus mais alors plus rien, de l’endroit où ils étaient ils y a quelques jours. Les derniers soubresauts de la tempête ont déplacé les dunes, les branches qui cachaient l’excavation, sont parties, envolées…Le sable est partout….Impossible de retrouver l’orifice…
_ Bon ! je vois encore une fois que vous vous êtes bien moqués de moi, dit maman en riant, tout ça, pour que je fasse du vélo avec vous, moi qui n’aime pas ça. Ah, vous êtes bien complice, tous les deux.»
Mais, maman, je t’assure, s’écrie Thibault.
Ta ta ta… J’ai 2 enfants qui rêvent éveillés, un petit, mais aussi un grand. Je vais vous la raconter, moi, la légende d’Ansoine, telle que me l’a racontée ma grand-mère, quand j’étais petite fille à st Palais. Elle la tenait d’un livre de Paul Dyvorne, et je suis sûre que c’est bien plus proche de la vérité que votre histoire de Viking et de trésor ; posez vos vélos, asseyez-vous, et écoutez moi.
Il y a bien longtemps, les Phéniciens, grands navigateurs, avaient fondé un port appelé d’ abord Sanchionate, puis Anchionate, où Ansoine. Lors de l’invasion romaine, les gaulois d’Anchoine, pour s’assurer la protection des dieux contre l’envahisseur, font appel à Myrghèle, la sorcière, la Fada des Santons, prêtresse associée aux druides.
Elle déclare que le Dieu Toutatès exige un sacrifice humain ; celui d’une jeune vierge nommée Syivane, dont elle était très jalouse, Sylvane devant, en effet, épouser un jeune homme, dont Myrghèle, elle-même, était amoureuse.
En pleine nuit, au moment où l’immonde sorcière va immoler la pure jeune fille sur un doimen de pierre, dans une clairière entourée de hauts chênes, un effroyable raz de marée dévaste l’ile d’Armotte, qui disparaît à tout jamais. »
Un grand historien local, Julien Labruyère, considère, écoutez moi bien tous les deux, qu’il peut y avoir une part de vérité dans cette légende. Elle serait due, en fait, à la peur ancestrale du peuple d’Arvert, au Moyen-âge, face à l’avancée inéluctable des sables.
La mort de Syivane symboliserait la mort de la forêt, et le raz-de-marée, représenterait la disparition de la terre arable, c’est-à-dire cultivable, par l’avancée du désert, conséquence du défrichement trop intense.
« C’est bon, les garçons ! Sans rancune ? s’écrie maman dans un grand rire. J’ai égalisé : 1 à 1, et maintenant, j’ai bien envie de faire un grand tour à bicyclette, on y va ? On passe par La Palmyre, et on retourne à st Palais, et puis, n’oubliez pas, ce soir, on fait les valises et on repart pour Rocambeau demain matin, voir si, là-bas, la tempête n’a pas fait trop de mal au domaine.
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