Dans son petit studio de la rue Saint Dismas à Montpellier, c’est quelques minutes avant midi que Maxime émerge péniblement d’un sommeil passablement plombé par tout l’alcool bu la veille.
Maxime, 25 ans guitariste et auteur compositeur dont le talent tarde à être reconnu, gagne sa vie en faisant quelques piges musicales et surtout des extras au noir dans un bistrot du quartier Saint Roch
Mais voilà, hier, le confinement a été décrété et tous les bars ont dû fermer à minuit. Pour tenter de garder le moral ; le patron du bistrot à retenu son personnel après la fermeture en organisant une petite fête avec tapas, sangria et shots de toutes sorte.
Maxime, très sportif et adepte de surf n’a pas trop l’habitude de boire, il s’en veut de s’être laissé aller, d’autant plus qu’à la réflexion, participer à cette fête au cours de laquelle aucun des « gestes barrière » n’a évidemment été respecté, n’était pas très malin.
Mais il est vrai aussi qu’il avait bien besoin de se remonter le moral en oubliant un instant la panade dans laquelle il allait se trouver ;
Sans famille : père ayant pris la fuite peu de temps avant sa naissance et mère décédée deux ans auparavant, et sans ressources stables qui de toute façon allaient immédiatement disparaître avec le confinement, l’avenir s’annonçait très sombre
Même sur le plan sentimental, la serveuse du bistrot avec laquelle il entretenait une liaison assez torride mais très peu sentimentale, lui avait fait clairement comprendre qu’elle n’avait aucunement l’intention de rester confinée avec lui dans un studio de 25 m2
A vrai dire, cela n’avait pas beaucoup contrarié Maxime qui pensait beaucoup moins souvent à elle qu’à la lumineuse jeune femme qui servait le pain dans la petite boulangerie au bout de sa rue..
L’humeur de Maxime est donc au plus bas, et l’image que lui renvoie le miroir ébréché de l’entrée, celle d’un grand gaillard certes bien bâti, mais coiffé d’une tignasse brune en broussaille, vêtu d’un tee-shirt tout élimé et d’un vieux caleçon informe, n’est pas vraiment celle d’un vainqueur.
Maxime entre dans la cuisine et allume la radio pour écouter les dernières nouvelles tout en préparant un simulacre de petit déjeuner : un café instantané, un pain au lait surgelé et deux comprimés d’Alka Seltzer dans un verre d’eau. Comme la minuterie du micro-onde ne fonctionne plus, il règle un minuteur manuel sur 7 minutes..
Soudain, il sent un courant d’air chaud traverser l’appartement.
Pensant qu’une porte ou une fenêtre mal fermée a dû s’ouvrir il se précipite dans la ‘’salle de séjour-bureau-chambre à coucher-salon’ ’Tout est bien fermé, c’est incompréhensible.
Il retourne dans la cuisine : la cafetière électrique est éteinte, la radio est muette, l’horloge du micro-ondes n’indique plus l’heure, il suppose que l’électricité a été coupée mais son réveil à pile ne fonctionne pas, de même que son téléphone portable dont l’écran reste noir.
Enfilant son vieux jean, il dévale les escaliers du vieil immeuble curieusement silencieux en s’étonnant de n’y rencontrer aucun voisin
Lorsqu’il arrive dans la rue, il est saisi par un spectacle hallucinant : toutes les voitures sont immobilisées, moteur coupé. Au volant, les conducteurs sont figés, les yeux grands ouverts et semblent changés en statue. Sur les trottoirs, les piétons sont également immobiles. Un silence absolu accentue cette ambiance surnaturelle.
Maxime, ressent à nouveau une onde de chaleur alors que cette fin de matinée de mars est plutôt fraîche. Curieusement, il n’est pas effrayé mais presque émerveillé ;
Il parcourt les quelques mètres de la rue qui débouchent sur la grande place de la Comédie.
Même spectacle extraordinaire : tous les passants sont figés, les véhicules arrêtés alors qu’à cette heure, la place est toujours le lieu d’une bruyante animation.
Presque par reflexe, Maxime jette un coup d’œil sur la boulangerie où travaille la belle serveuse à laquelle il rêve souvent sans avoir jamais osé tenté une approche. C’est que Maxime, beau garçon en réalité assez timide, n’a jamais eu besoin de draguer une fille, ses conquêtes passagères ayant toujours pris les devants.
Sans avoir du tout prémédité son geste, Maxime entre dans la boulangerie, contourne un client pétrifié alors qu’il tendait une pièce de monnaie, et s’approche de la belle brune aux yeux verts dont le visage harmonieux se pare d’un très doux sourire.
Toujours sans réfléchir, Maxime pose un baiser très chaste sur la joue de la belle et quitte aussitôt la boutique..
Sur la place à droite de la boutique, il tombe sur un camion de convoi de fonds venu desservir l’agence principale du Crédit Industriel de France.
Le chauffeur est immobilisé à son volant, un homme armé est positionné à côté de la porte latérale ouverte du fourgon, par laquelle on aperçoit plusieurs sacs manifestement pleins à craquer.
Toujours plongé dans un état second, Maxime se saisit d’un grand sac assez lourd qu’il balance sur son épaule et court pour rentrer chez lui à toute vitesse.
Une arrivé, il vient juste de poser le sac par terre lorsqu’il entend la radio se remettre en marche, le jingle habituel retentit et l’animateur annonce qu’il est midi. L’horloge du micro-ondes indique avec un léger décalage 12h01. De même le réveil à pile dont l’heure est automatiquement indexée sur celle transmise par satellite, indique 12h00.
Par contre, le minuteur manuel réglé sur 7 mn se met à sonner. Maxime réalise donc que, sauf pour lui, le temps s’est arrêté pendant sept minutes.
Il note cette information sans du tout pouvoir la comprendre puis se dirige vers le sac qu’il ouvre sur la table bancale du séjour ;
Il contient des liasses de billets de 20 et 50 €. A vue de nez, il y en aurait pour un million d’euros.
Maxime est complètement abasourdi et reste prostré sur son vieux canapé-lit pendant plus d’une heure.
A la radio, il entend soudain un flash d’information : « Un fourgon de transport de fonds a été pris d’assaut par des gangsters munis d’armes de guerre après être reparti de l’agence centrale d’une banque à Montpellier. Lors de l’agression, le fourgon a été totalement incendié et tous les billets de banque qu’il transportait ont entièrement brûlé. Tous les voleurs ont pu être arrêtés alors qu’ils prenaient la fuite si bien qu’il ne sera même pas utile de mener une enquête »
Par contre, les informations ne font aucune mention du phénomène étrange que vient de vivre Maxime.
Ne trouvant aucune explication plausible, Maxime se résout à se réjouir de sa bonne fortune et à adresser une fervente prière de remerciement à un saint qu’il connaît bien puisque sa rue en porte le nom : Saint DISMAS, saint patron des voleurs, également dénommé « le bon larron »
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