Depuis que j’ai emménagé dans cette région reculée du Massif Central, je découvre des « étrangetés » qui m’ interpellent :
L’été dernier, alors que le soleil cognait dur sur ce plateau desséché, brûlant au passage la maigre végétation déjà bien malmenée par les quatre vents, mes voisins qui me regardent comme un zombie et ne s’ adressent à moi que par des onomatopées ou grognements, étaient vêtus comme en plein hiver, plusieurs épaisseurs de lainages, bonnets, écharpes, parkas… En tout cas, pas un seul morceau de peau visible ! Alors que j’ arborais des tenues estivales, on ricanait derrière mon dos…
Tout le monde m’avait prévenue que j’ aurais du mal à m’intégrer avec mon camion bibliothèque… et que la population pouvait se montrer froide, étrange et peu accueillante. Effectivement, on m’ observe, on me regarde arriver sur la place du village, ouvrir mon camion et attendre… Seuls quelques rares enfants » esquimaux », viennent chercher des livres. Je leur ai posé la question : « pourquoi êtes vous couverts si chaudement à cette saison ? Vous devez transpirer là dessous ? « Réponse : « Ben, ici c’ est comme ça ! »
Bref, ils doivent craindre le soleil et ses rayons… et ils s’isolent comme ils peuvent !
A l’automne, matin et soir, je les ai vus ôter quelques épaisseurs et même exposer des portions d’ épiderme bien pâlichon !
Moi,par contre,j’ai ressorti mes » petites laines » car là haut, il gèle très tôt, dès le début de l’ automne. De ma fenêtre, j’ ai vu les enfants arriver à l’ école en polos et bermudas ou en robes pour les filles alors que Novembre était bien entamé et qu’ ils avaient passé tout l’ été caniculaire dans leurs plumes d’ oies !
Par contre, mieux acceptée par la population, je recueillais des timides sourires et quelques mots sympathiques. Enfin, les gens semblaient s’ ouvrir au fur et à mesure que le temps fraîchissait. Et les mamans venaient emprunter des livres et échanger quelques mots.
L’ hiver s’ est annoncé brutalement, blizzard, chutes de neige, verglas… Le vent s’engouffrait en rugissant dans ma cheminée. J’ ai apprécié ma doudoune en duvet d’oie, mes gros pulls en laine, mes bonnets, gants et écharpes. J’avais fait provision de bûches, j’ étais parée pour le froid polaire !
Un matin, surprise, ébahissement, consternation, en rencontrant mes proches voisins (qui ne m’ avaient jamais vraiment saluée), entièrement nus, me souriant et venant à ma rencontre fort aimablement; interloquée, je suis restée sans voix, n’ osant même pas leur demander d’ explication !
Puis, force fut de constater que tout le village ( petits et grands) déambulait comme dans un lieu naturiste, sans la moindre gêne,ni….chair de poule ! Alors que je persistais à superposer des épaisseurs de vêtements et que forcément, je me faisais remarquer !Etrangement, ma bibliothèque fonctionnait de mieux en mieux et chacun avait un mot gentil pour moi qui regardais avec effarement leurs pieds nus dans la neige !
Essayant de me documenter sur les habitudes ancestrales du coin, je ne parvins jamais à élucider ce mystère, malgré les cinq années passées là bas, personne ne répondit à mes interrogations, personne ne me confia le pourquoi du comment, personne ne me fit entrer dans sa maison, on me gardait gentiment à distance ! Les années passées dans cette contrée, je ne fus jamais malade et heureusement car pas de médecin sur place, le dernier ayant fait faillite faute de clients ! Et c est vrai que je n’ ai jamais vu qui que ce soit la goutte au nez, jamais entendu qui que ce soit tousser ou se plaindre de douleurs… quel était donc leur secret?
Ils protégeaient leur peau du soleil, transpiraient sous leurs épais vêtements en été puis quand le soleil s’ anémiait, ils exposaient progressivement et totalement leur corps à la pâle lumière et au froid mordant de la mauvaise saison, vivaient en autarcie, se méfiaient des étrangers qui auraient pu leur apporter des microbes… Mais ne dévoilaient pas les raisons de leurs coutumes… On aurait pu les trouver bizarres !
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