Il fait grand beau en ce matin d’avril, le ciel est d’un bleu pur et le soleil est presque chaud. L’idée me prend soudain de rendre visite à mon copain Fred, je vais même y aller à pied, une petite marche me fera du bien !
Je ne l’ai pas prévenu mais je sais que mon ami, loin de s’en offusquer, sera tout content de la surprise que je lui ferai.
J’enfile un vieux pull et me voilà parti, pas la peine de faire des manières, Fred n’a jamais été sensible à l’élégance vestimentaire, préférant de loin celle de l’âme.
Je pars les mains vides car je sais qu’il apprécierait peu un cadeau quel qu’il soit.
Autrefois, je me serais muni d’une bonne bouteille de vin mais je sais qu’il n’en a plus guère le goût.
Cela fait plus de cinquante ans que nous sommes devenus amis alors que de souvenirs partagés !
Chemin faisant, je me rappelle nos jeunes années. Nous nous étions connus au lycée où nous étions tout de suite tombés mutuellement en amitié.
Ensemble, nous avions vécu nos premières amours avec deux sœurs jumelles si inséparables que cela en était parfois gênant et qui s’amusaient souvent à s’échanger leurs soupirants pour les taquiner en les plongeant dans la plus grande confusion.
Plus tard, nous avions connu nos futures femmes, physiquement très différentes l’une de l’autre : l’une brune, l’autre blonde. Cette fois, plus d’erreur possible !
Puis étaient venus les enfants. Malgré les protestations de nos épouses, nous nous étions lancé le défi de celui qui aurait la plus nombreuse progéniture.
Le concours s’était soldé par un score d’égalité. Quatre enfants chacun ! En fait, nos épouses s’étaient concertées pour siffler la fin du match.
L’été nous louions ensemble une grande maison à la campagne ou au bord de la mer.
La joyeuse troupe de nos enfants qui s’entendaient très bien, disparaissait dans la journée soit à la plage, soit dans la campagne et nous ne les retrouvions qu’aux heures des repas.
Le soir à l’heure du coucher, chaque père se faisait général pour prendre la tête de sa jeune armée et lancer des batailles de polochons jusqu’à ce que les mamans, soucieuses du sommeil des troupes, imposent un armistice, au moins jusqu’au lendemain.
Et puis les enfants ont grandi et ont créé leur propre famille, si bien que c’est en nous rapprochant pour faire face aux assauts des petits enfants que nous connûmes à nouveau le bonheur des étés enchantés par des rires d’enfants.
Ainsi, nous avons vieillis presque ensemble, notre amitié ayant naturellement fait écho entre nos épouses…
Beaucoup d’autres souvenirs me reviennent en mémoire et j’ai hâte de les partager avec toi mais voilà que j’arrive à destination.
Je pousse la grille qui grince un peu et je marque un temps d’arrêt, sous le charme des chants d’oiseaux qui semblent enivrés par le printemps à son apogée.
Je me dirige vers un banc dont la pierre est déjà chaude de soleil malgré l’ombre proche d’un haut cyprès. Avant de m’asseoir, je touche de la main une autre pierre….qui porte ton nom.
François Romain
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